Paul CODACCIONI assassiné dans le Vallon des Fusillés à Signes le 18 juillet 1944
Dans un vallon isolé et difficile d'accès, situé sur la commune de Signes, dans le département du Var, se trouve une nécropole nationale où sont conservés les restes mortels de résistants assassinés à la veille de la libération de la région.
Durant l'été 1944, en deux temps, le 18 juillet et le 12 août, les Allemands ont exécuté, dans ces lieux reculés, 38 hommes, pour la plupart des responsables de la Résistance en R 2 (actuelle région Provence-Alpes-Côte-d'Azur).
La diversité des victimes, représentant tous les âges, tous les milieux sociaux, et appartenant à différentes organisations de la Résistance, ainsi que les conditions et le contexte de leur exécution, font de ce vallon isolé un lieu de mémoire important et symbolique de la Résistance dans notre région.
Depuis la découverte du charnier, en septembre 1944, une cérémonie en hommage aux victimes a lieu chaque année, le 18 juillet, sur ce site surnommé le "vallon des martyrs".
En 1996, le site est reconnu comme nécropole nationale.
La nécropole actuelle (présentation)
Si une cérémonie en hommage aux 38 résistants exécutés en juillet-août 1944 est organisée dès l’année suivant la découverte du charnier, le site surnommé le « Vallon des Martyrs » ne devient nécropole nationale qu’en 1996.
Ce terrain, situé sur la commune de Signes, est alors acquis pour un franc symbolique, auprès de Mesdames Nogues et Monti. La nécropole est inaugurée le 25 juin 1996 en présence du Ministre délégué aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
Cette nécropole ne comporte pas à proprement parler des corps, mais un ossuaire, ainsi que 38 dalles commémoratives individuelles en hommage aux victimes de Signes, dont trois restent encore « inconnues » à ce jour.
Paul Noël CODACCIONI naquit le 23 novembre 1888, à Bonifacio (Corse), d’un père instituteur et d’une mère propriétaire. Il fut contrôleur principal des PTT au central télégraphique de la poste Colbert de Marseille. Sa femme était employée par la même administration. Le couple qui avait une fille habitait 36 rue-d’ENDOUME. Paul CODACCIONI était militant syndicaliste, adhérent avant 1936 de la CGT dite « confédérée « (de sensibilité socialiste) par opposition à la CGTU (de sensibilité communiste).
Paul CODACCIONI participa, sous le pseudonyme de Kodak au réseau, créé en 1941, au sein des PTT, par des militants de Combat, dont notamment le contrôleur principal Gardiol, d’Aix-en-Provence, ROUBEYRENC, du central télégraphique, ou Garcin de Marseille-Central. L’équipe s’élargit rapidement à toute la région. Elle tissa une toile d’araignée téléphonique et télégraphique, décrypta les correspondances allemandes, intercepta des lettres de dénonciation. Une réunion clandestine tenue à Lyon, en février 1944, désigna Paul CODACCIONI comme secrétaire régional du réseau. Kodak le réorganisa et étendit au niveau extrarégional les communications clandestines par fil. Il s’employa, en outre, en prévision du débarquement, à fournir aux équipes de saboteurs les plans de coupure des lignes allemandes.
En juillet 1944, l’interrogatoire de Jean Libert, arrêté à Marseille le 14 juillet au matin, permit au SIPO-SD (la Gestapo) de repérer Paul CODACCIONI. Ernst Dunker-Delage, homme clé de la section IV du SIPO-SD, exploita très rapidement les renseignements obtenus, et, selon son propre témoignage, se présenta le 14 juillet, au milieu de la nuit, au domicile de la famille CODACCIONI. Paul CODACCIONI, conduit au 425 rue-Paradis, siège de la Gestapo, fut confronté à d’autres témoins, mais refusa d’avouer quoi que ce soit.
Il apparaît sous le numéro 21 dans le « rapport Antoine », où Ernst Dunker-Delage établit le bilan des arrestations qui conduisirent aux exécutions de Signes. « Quoiqu’il s’est refusé de faire aucune déclaration, il a été prouvé par des déclarations des témoins et par des documents, sans aucune objection possible, que depuis plusieurs mois CODACCIONI était chef régional des saboteurs des PTT (téléphone et télégraphe) ». Dans le registre de saisies de la police de sécurité allemande (SD), Paul CODACCIONI figure page 132 sous le numéro 933, à la date du 10 août 1944, comme Widerstandler (Résistant). Il était en possession de 15 174 francs.
Les quelques lignes qui lui sont consacrées dans le rapport « Antoine » se terminent par la formule « Il… a été… le 18 ». De fait, Paul CODACCIONI fut fusillé à Signes le 18 juillet et enterré, de manière sommaire, avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille (cercueil 706), fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata que la langue était serrée entre les arcades dentaires. La colonne vertébrale côté gauche avait été légèrement touchée par un projectile sans provoquer de fracture. De la terre était présente dans le larynx. La conclusion du médecin est formelle : la victime, blessée par un projectile, a été enfouie avant sa mort. Celle-ci est due à une asphyxie. Paul CODACCIONI est l’une des deux victimes enterrées vivantes.
Le conseil municipal de Marseille décida, dans sa séance du 19 juillet 1945, de donner le nom de Paul CODACCIONI à la rue Clotilde dans le 7e arrondissement de Marseille. La cérémonie eut lieu le dimanche 18 novembre 1945. Son nom est également gravé sur le monument aux morts de Bonifacio. Paul CODACCIONI a été reconnu interné résistant et Mort pour la France. Il fut décoré de la Médaille de la Résistance française et de la Légion d’honneur à titre posthume.
Auteur : Robert MENCHERINI
Sources : Actes de naissance et de décès ; extrait du matricule militaire ; DAVCC Caen, dossier de mort pour la France, Paul Codaccioni, 21P 437 228 ; DAVCC Caen, 27 P 244, « Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » ; DAVCC Caen, 27 P 45 Livre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 (avec jour d’inscription : Tag der Eintragung) ; archives nationales 72 AJ 104, AIII, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; archives de la ville de Marseille, extrait des registres de délibérations du conseil municipal, séance du 19 juillet 1945 (dossier 44U) ; presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier les numéros 1, 42, et 60 ; Adrien Blès, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Marseille, Éd. Jeanne Laffitte, rééd. 2001, p. 130 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977 ; Madeleine Baudoin, Histoire des groupes francs (MUR) des Bouches-du-Rhône, de septembre 1943 à la Libération, Paris, PUF, 1962 ; Raymond Ruffin, Résistance PTT, Paris, Presse de la Cité, 1983, p. 216 et sq. ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014, p. 292 ; Antoine Olivesi, Jean-Marie Guillon, notice in Maitron-en-ligne ; Robert Mencherini, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Résistance et Occupation, 1940-1944, p. 505, tome 4, La Libération et les années tricolores, Paris, Syllepse, 2014, pp. 58-60.
Auteur(s) : Equipe MUREL PAC