Henri AUZIAS et l’insurrection de la Centrale d’Eysses

 

La Centrale d’Eysses est située dans le faubourg nord de Villeneuve sur Lot (Lot-et-Garonne). C’est une ancienne abbaye devenue Maison de correction qui comptait dès 1942 deux cents jeunes colons, plusieurs centaines de « droits communs » et une centaine de bagnards que l’on appelait les « travaux forcés ». Le régime pénitentiaire à cette époque est basé sur tout ce qui peut humilier l’individu, sa perte de sa dignité et dans un cadre de vie insupportable : nourriture exécrable, tenue vestimentaire en habit de bure (qui est une grosse étoffe de laine brune) et sabots de bois. La discipline est féroce, les prisonniers marchent au pas cadencé sous la coupe d’un « prévôt » qui est l’auxiliaire du gardien et choisi pour sa brutalité et sa soumission.

En 1940, rebaptisée Maison Centrale de force par le gouvernement de Vichy, un petit nombre de « patriotes » y séjournent suivis en 1942 par d’autres qui arrivent par petits groupes, parmi eux on trouve des mutilés de la guerre 14-18, des anciens des Brigades Internationales en Espagne, des élus communistes (comme Daniel Renoult de Montreuil) de jeunes réfractaires et des résistants arrêtés.

Ces nouveaux internés réclament le régime « politique » et y forment une compagnie clandestine.

Des liens de solidarité vont se tisser avec beaucoup d’habitants et certains gardiens patriotes vont s’organiser avec les détenus, pour obtenir l’amélioration du régime alimentaire. Ce cercle de ravitaillement prit une grande importance et ce fut pour un bon nombre d’habitants de Villeneuve-sur-Lot le premier acte de résistance qu’ils accomplissaient. En octobre 1943, la Centrale comprend 1200 prisonniers résistants et politiques qui s’organisent en collectif et s’autogèrent. La solidarité des patriotes détenus va s’exprimer lorsque Vichy veut livrer aux Allemands les 156 internés administratifs, les « irréductibles ». Les événements vont se précipiter durant les trois jours d’une première révolte, du 8 au 10 décembre. Très tôt le matin du 10 décembre 1943, un détachement de GMR (Gendarmes mobiles de réserve) se présente pour opérer le transfert des 156 internés. Mais les prisonniers patriotes, plus d’un millier, enfoncent les portes, se libèrent et font face aux fusils du groupement de GMR. Vont-ils tirer ? la Marseillaise retentit, les soldats hésitent, un dialogue s’instaure et les armes s’abaissent. Le Chef du groupement ordonne aux GMR de quitter la cour de la Centrale. Les « Irréductibles » n’iront pas en Allemagne.

À partir de là, l’organisation des patriotes résistants se précise, le Bataillon d’Eysses devient une force redoutable. Il a à sa tête des militants aguerris tant au plan militaire que politique. Ces militants savent qu’il faut réaliser l’union en respectant le pluralisme. Ils ont un service d’ordre qui est une véritable organisation militaire : le Bataillon d’Eysses est prêt pour sa libération.

En janvier 1944, 54 détenus s’évadent du quartier cellulaire avec la complicité de quelques gardiens. À la suite de cette évasion, un nouveau directeur de la Centrale est nommé, il s’agit de Schivo, colonel dans la Milice. Le climat se durcit. Le 19 février 1944 commence ce que l’on appelle la bataille d’Eysses. La venue d’un inspecteur général des prisons va précipiter les évènements. Il est clair que se prépare l’évacuation des patriotes vers l’Allemagne. Les 1200 détenus s’insurgent, ils capturent le directeur et 70 surveillants et gardiens. Après 13 heures de combat, face aux forces du GMR et de la Milice de Darnand puis face à l’artillerie allemande appelée en renfort qui veut détruire la Centrale et écraser la rébellion sous les cendres, les insurgés ne sont plus en mesure de poursuivre la bataille devenue inégale. Ils libèrent Schivo contre les promesses de non-représailles. Mais le 20 février, Darnand, Secrétaire d’Etat au maintien de l’ordre, arrive à Villeneuve. Il exige une punition exemplaire et demande la désignation de 50 otages.

Le Surveillant-Chef désigne ces 50 otages qui sont dirigés sur le quartier cellulaire. Le 23 février à l’aube, après une parodie de justice, la sentence de mort primitivement retenue pour dix-huit, s’abattra sur 12 martyrs de la Centrale d’Eysses. Un 13ème martyr est tombé au combat le 19 février 1944.

 

Parmi ceux-ci, figurent deux postiers :

Henri AUZIAS et Gabriel PELOUZE.

 

Cet article est issu du site Libération Nationale PTT http://libeptt.org

 


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