MONTEIL Marcel, Étienne, Félix « Clovis » dans la clandestinité
Né le 6 décembre 1904 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; mort le 3
novembre 1978 à Baillestavy (Pyrénées-Orientales) ; employé des PTT ;
militant communiste et syndicaliste ; résistant ; secrétaire du PC
clandestin dans les Pyrénées-Orientales ; secrétaire fédéral du PCF à la
Libération (1944-1945) ; dirigeant de l’UD-CGT des Pyrénées-Orientales
(1951-1973) ; conseiller général de Prades (1945-1949) ; dirigeant de
l’ARAC et du Mouvement de la Paix des Pyrénées-Orientales.
Marcel Monteil était le fils de Félix et d’Anna Olphand. Très jeune,
Marcel Monteil perdit son père, garçon de café à Marseille. Il fut élevé par un
"brave oncle", cuisinier et militant syndicaliste. Il suivit une
scolarité primaire jusqu’au certificat d’études. Âgé de quatorze ans et demi,
il intégra les PTT comme télégraphiste. Il se maria avec Marie-Rose Fourat dont
il eut un enfant.
Employé des PTT, Monteil progressa grâce aux concours internes. Il fit
carrière dans les "ambulants" et termina avec le grade de contrôleur
principal. Révoqué en 1939, pour son appartenance au PC et sa non dénonciation
du pacte germano-soviétique, il ne fut réintégré dans son administration
qu’après avoir cessé d’être permanent du PC dans les Pyrénées-Orientales.
Il fut pendant longtemps membre du syndicat autonome des PTT et adhéra
en 1934 à la CGTU alors que s’éveillait sa conscience politique qui devait
l’amener à adhérer au PC en 1935 dans l’élan du Front populaire. Auparavant, il
n’était que pacifiste. Militant très actif du PC, il fut secrétaire de la
cellule des Caillols et membre du bureau de la section Chartreuse–Saint-Barnabé.
L’école fédérale à laquelle il assista fut interrompue au bout de deux jours
par la mobilisation de septembre 1939.
Pendant le Front populaire, il eut une grande activité dans le syndicat
des PTT Après la réunification syndicale, il devint membre de la fédération
postale des Bouches-du-Rhône. Il fut secrétaire de la sous-section des employés
des PTT de Marseille-Gare et membre du conseil départemental.
Militant clandestin après la dissolution du PC, il ne fut mobilisé qu’en
avril 1940 car, auparavant, il avait été exempté du service militaire. Il
déclara en 1970 : "J’ai fait la guerre sur l’avenue du Prado".
Il garda des contacts avec le PC après la dissolution de ce dernier. Démobilisé
et révoqué des PTT, il travailla d’abord sur le marché de Marseille puis comme
manutentionnaire aux Grands moulins de Marseille. Le PC clandestin lui confia
des responsabilités alors que, dans la légalité, il n’avait été qu’un militant
de base. Il en eut tout d’abord dans le secteur de la Capelette (10e
arrondissement). Un rapport des inspecteurs Marti et Vollaire au commissaire
divisionnaire, chef régional de la police judiciaire du 19 octobre 1942, donne
d’autres précisions. Monteil aurait été d’abord garçon de café dans plusieurs
bars de la ville puis employé aux Maïseries de la Méditerranée et, enfin, en
1942, représentant.
Il fut un militant clandestin du Parti communiste de Marseille. Dès
1941, il fut en liaison avec Henri Auzias et le groupe de Joseph Pastor. Des
divergences apparurent dans l’organisation communiste marseillaise. Les
inspecteurs Marti et Vollaire estimaient, dans leur rapport déjà cité, que ces
divergences incitèrent "Monteil qui connait les principaux dirigeants en
liaison avec Pastor" à ne pas hésiter "à faire passer ces derniers
comme traitres au Parti communiste". Une "liste noire" parue
dans Rouge Midi (organe clandestin du PC) de septembre 1942 comprenant
68 ans était, d’après les deux policiers l’œuvre de Monteil. Elle complétait
une autre liste de 46 noms parue dans Rouge Midi de juillet 1942. Il
remplaça Marcel Guizard à la direction locale du Front national.
Faisant l’objet d’un arrêté d’internement administratif du 2 novembre
1942, il réussit à s’éloigner de son domicile ; Sa femme interrogée par la
police expliqua qu’il était parti après une dispute avec elle. Finalement, il
fut arrêté, "peut-être au début de 1943". Il fut retenu en garde à
vue pendant quatre jours. Il se rendit compte que la police était parfaitement
au courant de ses activités. Relâché, il quitta son domicile et partit chez un
vieil oncle qui "exploitait une ferme dans un coin perdu" d’un
village de montagne des Hautes-Alpes. Le PC reprit contact avec lui et lui
confia la responsabilité politique dans le bassin minier d’Aubagne à Gardanne
(Bouches-du-Rhône). Il avait des contacts réguliers avec le parti à
Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il résidait à Fuveau (Bouches-du-Rhône)
avec des bûcherons italiens. Un attentat des FTPF contre l’usine d’aluminium de
la société Alais-Froges-Camargue à Gardanne provoqua une série d’arrestations
par la police française qui menaça les cadres du PC dont Monteil qui était
actif dans le secteur. Lors d’un rendez-vous à Aix-en Provence, il fut donc
envoyé d’abord dans l’Hérault où il resta peu de temps et, à la fin de 1943, il
fut muté dans les Pyrénées-Orientales.
En effet ; après la « chute » de l’Héraultais Marceau Dupin, en juillet 1943, Émile Charruet (venant
de Saône-et-Loire) et René Houat (militant
des Pyrénées-Orientales) ne purent se maintenir à la tête du PC des PO. Ils
furent donc remplacés par Jean Couret et Marcel Monteil qui occupèrent
respectivement, à partir de la fin de 1943, les fonctions de recruteur et de
« politique » de la Région catalane du PC. Couret prit aussi, par la
suite, la tête des FTPF après la chute d’Emile Masnou. Monteil eut bientôt
d’étroits contacts avec Sébastien Rius, Fernand
Loubatière, Étienne Parent, André Janson (de Rivesaltes), Jean
Rostand (à Prades, ce dernier à partir de juin 1944). En 1970, il
expliqua qu’il n’éprouva qu’antipathie pour Couret
alias Fradin, "une grande gueule" qui "n’était pas
très sûr politiquement" car il n’aurait quitté, selon lui, son département
d’origine, le Lot-et-Garonne, que pour se soustraire au STO. Mais il se
pourrait que ce jugement sévère porté sur un proche camarade de clandestinité
ait été motivé, au moins en partie, par l’évolution politique ultérieure du
Fumélois. "Polo", Monteil se consacra surtout au PC. Il réorganisa
des cellules et des sections. Avec Couret et Rius, il transforma un discret appartement
de la rue Hyppolite Desprès en local d’impression ou étaient confectionnés les
tracts et Le Travailleur catalan qui
put reparaître clandestinement dans une édition ronéotée. Avec les deux mêmes
camarades, il assura l’édition clandestine de cinq numéros ronéotés entre
janvier et juin 1944. C’était Athiel qui procurait le papier, l’encre et les
stencils. Monteil trouvait que l’organisation qu’il dirigeait était
"mauvaise" lorsqu’il arriva à Perpignan et qu’elle demeura
"faible". Sa faiblesse — et celle des FTPF — fut encore accrue par
l’échec de l’attaque de la trésorerie de Perpignan (23 mai 1944) décidée
d’après lui par le comité départemental des FTPF afin de procurer des fonds au
PC et aux organisations "amies" (Voir
plus particulièrement Hispa Gabriel). Seuls, Prades et le Conflent et, dans
une moindre mesure Estagel, disposaient d’une implantation plus solide qui
permit d’assurer la logistique du maquis Henri-Barbusse du Canigou (Voir Panchot
Julien).
Mais il siégea aussi, toujours avec Charles Robert du Front national, Rius et Couret,
au comité départemental des FTPF qui se réunissait aux marges de la ville dans
une baraque du quartier perpignanais du Haut-Vernet. Avec Robeyrenc, employé
des PTT, communiste de la CGT, il mit en place ce qu’il qualifia lui-même
d’"embryon" syndical. À Perpignan, il sortait peu car, selon ses
propres dires, la ville proche de la frontière et du littoral était
particulièrement surveillée par les troupes d’occupation. Il habita d’bord à la
route de Prades.
Il allait visiter les organisations clandestines du parti dans le
département. Dans ses faibles effectifs du premier semestre de 1944, on pouvait
dénombrer des adhérents jusqu’en Cerdagne. Monteil se rendait aussi à Béziers
(Hérault) où il maintenait les liens avec l’échelon supérieur de l’organisation
clandestine du PC. En 1970, ïl livra les chiffres des effectifs du PC
clandestin dans les Pyrénées-Orientales entre juin et août 1944 : 246 au
début juin ; de 246 à 473 de juin à juillet ; 500 au début août. Le
nombre d’adhérents qui stagnait jusqu’en juin fut dopé par le débarquement de
Normandie et l’espoir qu’il fit naître. Mais, en dépit de ces progrès, lucide
sur les perspectives de son parti dans la séquence ouverte le 6 juin 1944 il
estimait que "nous [le PC des Pyrénées-Orientales qu’il dirigeait] sommes
arrivés à la Libération, comme ça, dans le brouillard".
Marcel Monteil participa à la Libération de Perpignan, les 19 et 20 août
1944. Dès le 18, il essaya de mobiliser les militants des quartiers de la ville
et des villages proches. Mais le 19 au soir, lorsque les communistes et les
FTPF perpignanais se rassemblèrent au Bas-Vernet ils n’étaient que "vingt,
vingt-cinq, peut-être trente copains" qui franchirent à pied la Têt et se
retrouvèrent au pont Joffre où ils participèrent à un affrontement avec des
Allemands qui essayaient de forcer le passage de la route de Narbonne. Monteil
affirma aussi dans son témoignage de 1970 que le seul combat de la Libération
de la ville fut celui auquel il participa ; niant — alors qu’à cette date
les faits étaient depuis longtemps bien établis — les affrontements qui
impliquèrent la résistance non communiste (AS et ORA perpignanaises, engagement
du maquis AS de Sournia). (Voir Perpignan, combats de la Libération (19 et 20 août 1944)).
À la Libération, Marcel Monteil devint le secrétaire fédéral du PCF. En
1945, il céda sa place à Léopold Roque, secrétaire de la région catalane du PC à
partir de mars 1939 et jusqu’à la dissolution du PC.
Monteil était encore secrétaire fédéral lorsqu’il fut écarté de la liste
communiste aux élections à la Constituante du 29 octobre 1945 pour laisser une
place à Léo Figuères*. En 1946, il assista, avec de nombreux militants du parti
à un stage fédéral de formation à Valmanya, village martyr du Canigou, détruit
par les Allemands et la Milice en août 1944 (Voir
Panchot
Julien).
Candidat du PCF dans le canton de Prades (renouvellement général des
conseils généraux des 23 et 30 septembre 1945), il fut élu au second tour sans
concurrent, bénéficiant du désistement du candidat de la SFIO, Joseph Ponsaillé, agriculteur. Au scrutin cantonal des
20 et 27 mars 1949, il fut écarté de la candidature au profit d’un autre
communiste, Jean Teulière, cheminot de la ligne à voie étroite de
Villefranche-de-Conflent à Latour-de-Carol (le « train jaune », fief
emblématique du PCF) : ce dernier fut pourtant battu par Joseph
Rous, ancien député SFIO et conseiller général de Prades avant 1940.
Le 8 mars 1959 Monteil fut candidat du PCF sur la liste d’Union ouvrière
et démocratique conduite par Raoul Vignettes secrétaire fédéral. Il obtint 7654 voix
(Vignettes, le mieux placé de la liste, 8074). Au second tour, le 15 mars, il
figurait sue la liste d’union des gauches formée par une partie de la liste
SFIO, conduite par Félix Depardon, la liste d’UFD et la liste communiste.
Il recueillit 11 461 suffrages.
En 1964 et en 1965, Monteil siégeait à la commission fédérale de
contrôle financier.
En 1964, il était secrétaire départemental adjoint du Mouvement de la
paix, fonction qu’il occupa pendant de nombreuses années avant et après cette
date. Il participa, à partir de 1965 aux campagnes menées par ce mouvement pour
la "Paix au Vietnam". Il présida aussi ce mouvement.
Ce fut surtout en tant que militant syndicaliste que Marcel Monteil
s’illustra. Déjà dirigeant de l’UL-CGT de Perpignan et de la Bourse du Travail
de Perpignan, organismes dont il fut le secrétaire jusqu’en 1974, il devint en
1951 membre du bureau de l’UD-CGT des Pyrénées-Orientales et le demeura
jusqu’en 1969. En 1973, il siégea, en tant que retraité, à la commission
exécutive de l’UD-CGT.
Marcel Monteil s’attacha à préserver la mémoire des FTPF et à faire
connaître l’action de la Résistance. Adhérent dès 1945 de la section
départementale des Amis des FTPF animée par François
Marty et Sentis, il devint le président départemental de l’ANACR dès
sa constitution en 1954. Marcel Monteil fut pendant de nombreuses années l’un
des responsables de l’Association nationale des anciens combattants de la
Résistance des Pyrénées-Orientales. Il la présida jusqu’en 1973, date à
laquelle il céda cette fonction à Raymond
Fournier et Marcel Lantermino.
Marcel Monteil fut très proche de François et Suzanne Marty qui, dans les années 1960, devinrent
de fervents "pro-Chinois" au point de participer à la fondation du
PCMLF. Ce furent les Marty qui possédaient une maison à Valmanya qui
facilitèrent l’achat par Monteil d’une maison dans le village voisin,
Baillestavy. Retraité, Monteil vécut par intermittence dans ce village de
montagne. C’est à Baillestavy qu’il trouva la mort. Il était malade depuis
plusieurs mois, mais était encore actif deux semaines avant son décès. Ses
obsèques civiles eurent lieu à Baillestavy le 4 novembre 1978, en présence de
militants du PCF et de la CGT et d’anciens résistants. On releva la présence du
directeur départemental de l’ONAC, d’Henri Costa secrétaire fédéral du PCF, de Claude
Salmon, secrétaire de l’UD-CGT, de Raymond
Fournier de l’ANACR. Les trois derniers prirent la parole au
cimetière.
Marcel Monteil était marié avec Marie-Rose Fourat. À Baillestavy, il
vécut maritalement avec Lucienne Gélis, mère d’un garçon. Il eut un fils avec
elle qu’il ne reconnut pas. Le nom de Lucienne Gélis est celui qui figure en
premier lieu sur le fairepart de décès de sa famille publié dans le quotidien L’Indépendant.