AUZIAS Henri, Julien, fusillé par les Français (Vichy) le 23 février 1944 à la centrale d’Eysses, à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne)
Henri Auzias.
Photographie prise à Eysses début 1944.
Source : © Dépôt MRN, fonds Amicale d’Eysses Droits réservés
Né
le 9 avril 1912 à Villevieille (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence), fusillé
par les Français (Vichy) le 23 février 1944 à la centrale d’Eysses, à
Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) , après condamnation par une cour
martiale du régime de Vichy ; manipulant des PTT ; syndicaliste CGT des
PTT à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; militant communiste ; résistant
FTPF.
Henri Auzias était
le fils de Firmin et de Marie Pline. Son père était maire de son village,
apparenté de droite, conseiller d’arrondissement du canton d’Entrevaux. Il
passa quatre ans au combat pendant la Première Guerre mondiale. Henri avait
deux frères et une sœur.
À quatorze ans,
Henri Auzias entra à l’école primaire supérieure de Digne (Basses-Alpes,
Alpes-de-Haute-Provence), et y resta jusqu’en 1929. Ses parents, très croyants,
souhaitaient le voir devenir prêtre. Après sa communion, l’école des curés le
prépara à entrer au séminaire. Mais Henri prit une autre voie. En 1929, après
avoir fait son service militaire, il entra aux PTT au centre de tri du
bureau-gare de Marseille, comme agent manipulant.
Henri Auzias se
maria en 1934 avec Augustine, Marie Pelas. Ils eurent quatre enfants.
Henri Auzias se
syndiqua à la CGT dès son entrée aux PTT. Il adhéra au Parti communiste en
1935. Il devint secrétaire de la cellule PTT-gare et membre du comité de
sections. En 1937, les syndiqués de la section des ambulants l’élurent
secrétaire du syndicat CGT des PTT de Marseille. Dès le début 1939, il devint
le trésorier adjoint de l’Union locale CGT de Marseille puis fut élu à l’Union
départementale des Bouches-du-Rhône.
Mobilisé en
août 1939 à Avignon, détaché au télégraphe à Creil (Oise), puis à
Montpellier (Hérault), il fut démobilisé après l’armistice de juin 1940.
De retour à Marseille, il poursuivit son activité militante au Parti communiste
clandestin sous le pseudonyme d’Yves, et organisa des groupes de base ainsi
qu’une équipe de l’Organisation spéciale (OS) à Marseille.
Son domicile, rue
Saint-Régis, fut perquisitionné le 24 janvier 1941 dans le cadre du
démantèlement de l’organisation clandestine du PC (affaire Henri Barbé* alias
Laffaurie). Il fut arrêté par la Sûreté qui saisit des documents, notamment des
brochures du parti. Son nom avait été donné par un militant à qui il passait de
la propagande à diffuser. Il nia d’abord ce qui lui était reproché (répartition
de tracts à diffuser, collecte d’argent pour les militants internés,
organisation de réunions clandestines), puis, confronté à ses camarades, dut
reconnaître les faits. Il dit avoir sollicité par un certain Pierre -
probablement Barbé - qui lui passait instructions et matériel. Écroué à la
prison militaire du fort Saint-Nicolas, il passa le 19 mars 1941 devant le
tribunal militaire qui le condamna à une peine de quatre ans et quatre mois de
prison et à 3 400 francs d’amende pour infraction au décret-loi du 26
septembre 1939 portant interdiction du PCF.
Le 8 avril
1941, il fut transféré à la maison centrale de Nîmes où les conditions de
détention étaient particulièrement dures. Dans cet univers, Henri Auzias joua
un rôle important dans l’organisation clandestine de la prison. Il organisa des
cours syndicaux et politiques ainsi que la solidarité matérielle des détenus
politiques face aux prisonniers de droits communs et des surveillants.
Le 14 juillet
1943, Henri Auzias manifesta en portant un ruban tricolore et en observant une
minute de silence, au garde-à-vous, en hommage à deux jeunes résistants
guillotinés. Dans ses projets, il y avait bien sûr celui de l’évasion. Il fut
chargé d’obtenir la participation de quelques surveillants en coordination avec
la Résistance extérieure. L’une des phases de ce plan d’évasion, l’isolement
des liaisons téléphoniques avec l’extérieur en coordination avec un groupe de
FTP, fut sur le point de se réaliser, lorsque les cent soixante-trois
résistants, dont Auzias, furent transférés à Eysses à Villeneuve-sur-Lot
(Lot-et-Garonne), le 15 octobre 1943.
Durant ce transfert,
Henri Auzias entraîna ses camarades à chanter des airs patriotiques et à crier
des slogans de résistance. Ce train devint célèbre comme celui de « La
Marseillaise ».
Fait unique dans
l’histoire pénitentiaire, ils formèrent un bataillon FFI clandestin. Henri
Auzias fut affecté dans le groupe où étaient déjà emprisonnés les dirigeants du
comité directeur des détenus qu’il intégra rapidement. Le 19 février 1944,
Eysses fut le théâtre d’une ambitieuse tentative d’évasion collective. Le
directeur de la prison ainsi qu’un inspecteur de l’administration pénitentiaire
furent pris en otage par les détenus. Très vite, les détenus résistants se
rendirent maîtres des locaux de détention. Mais l’alerte avait été donnée.
S’ensuivit alors une fusillade, puis le siège de la prison, toute la nuit, par
les Groupes mobiles de réserve (GMR), que vint appuyer l’artillerie de l’armée
allemande. Après plusieurs heures de combat et face aux menaces des autorités
allemandes de bombarder la centrale, l’état-major du bataillon d’Eysses décida
de déposer les armes le 20 février à 5 heures du matin. Se trouvant à
Vichy, Joseph Darnand, secrétaire général au Maintien de l’ordre et chef de la
Milice, fut averti dans la nuit de cette situation exceptionnelle. Il se rendit
d’urgence à Eysses, où il arriva dans l’après-midi du 20 février. Il dirigea
alors en personne la répression, donnant l’ordre de renforcer la garde
extérieure et d’introduire des forces de police dans la centrale, ce afin
d’organiser une fouille générale des locaux et des détenus. Il repartit pour
Vichy le lundi 21 février dans la matinée, après avoir exigé
« cinquante têtes ».
Seuls deux des
principaux responsables, Henri Auzias et Fernand Bernard, furent mis en cause.
Mais un détenu blessé, sans doute dans l’espoir de voir sa vie épargnée, se
déclara immédiatement disposé à raconter tout ce qu’il savait sur les
événements du 19 février. Parmi les mille deux cents détenus interrogés,
ce fut le seul qui parla, et ses déclarations furent lourdes de conséquences...
Le 22 février 1944, une cour martiale se réunit pour juger seize détenus. Henri
Auzias fut appelé le premier. Neuf témoins à charge témoignèrent contre lui,
dont trois l’ayant vu porteur d’un revolver, les autres « donner des
ordres et parlementer au téléphone ».
Le lendemain, le 23 février
1944, à 4 heures du matin, la cour martiale du régime de Vichy se réunit
pour l’examen de quatorze procès-verbaux, parmi les seize initialement choisis.
Douze détenus sur quatorze furent condamnés à mort, les deux autres, Fieschi et
Canet, devant être présentés devant le procureur de la République afin d’être
poursuivis par la section spéciale de la cour d’appel. À 10 heures, le
président de la cour martiale, assisté de deux juges, lut la sentence aux
condamnés, qui furent passés par les armes à 11 heures dans la cour de la
buanderie de la centrale.
Henri Auzias, avant
son exécution, eut le temps de s’adresser au peloton de GMR et de gendarmes en
ces termes : « Soldats, vous n’oserez pas tirer sur nous les
patriotes français que nous sommes. » Puis il prononça un réquisitoire
contre le directeur de la centrale, le milicien Schivo, et contre trois autres
responsables de leur condamnation. Au cours de ce réquisitoire, il les condamna
à mort au nom du « Comité de libération nationale ». S’exprimant au nom
de ceux qui allaient mourir, il continuait à jouer son rôle de délégué jusqu’à
la mort. Il termina par : « Vive la France. »
Chaque année, le
syndicat CGT des PTT de Marseille rend hommage à Henri Auzias. Le
23 février 2011, une cérémonie se déroula à Marseille, devant la plaque
commémorative à la Plateforme postale de distribution du courrier de la Poste
des Docks rue d’Anthoine dans le IIe arrondissement de Marseille. Après le
discours et une minute de silence, une gerbe fut déposée.
SOURCES : Arch.
dép. Bouches-du-Rhône 76 W 111. – La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de
Rennes, L’Harmattan, 2007 – Rouge-Midi, 7 mars 1939 et 24 mars 1944. – L’Humanité, 23 février 1974. – Louis Gazagnaire, Dans la nuit des prisons, Paris, Éd. Sociales, 1973. – Provence
socialiste, 7 avril 1939. – Milice, film noir, réalisé par Alain Ferrari, 1997. – Eysses, une prison
dans la Résistance, film réalisé par l’Amicale d’Eysses/IFOREP,
1987. – Corinne Jaladieu, Michel Lautissier, Centrale d’Eysses. Douze fusillés pour la République. Récits historiques
et témoignages, Conseil général du Lot-et-Garonne, 2004. —
Georges Frischmann, Histoire de la Fédération CGT des PTT, Éditions sociales,1969, réédité par l’IHS-CGT-FAPT, 2011. —
Musée de la résistance en ligne. – notes Jean-Marie Guillon.