Colonel Jean Pétré, des PTT à la Résistance à Marseille,
Le Lieutenant-colonel Jean Pétré (1896-1959)
est depuis bien longtemps tombé dans l’oubli. Chef régional de l’Armée Secrète
(AS) à Marseille, « héros et martyr de la Résistance », déporté à
Buchenwald, Grand officier de la Légion d’honneur… seule une petite rue
marseillaise porte son nom et une plaque à côté de l’hôtel de la Poste Colbert
de Marseille rappelle aux quelques passants le grand Résistant qu’il fut. Tous
les hommes de sa génération, ses camarades résistants comme ses amis du 141e
RIA, ont disparu. Au début du XXIe siècle.
Jean-Baptiste
Pétré (1896-1959) fut nommé en 1943 par le général Charles Delestraint au grade
de colonel, avec le titre de chef régional de l’Armée secrète (AS) pour la
Provence.
Son action dans la Résistance lui valut d’être
déporté au camp de Buchenwald. Ses états de service au 141e RIA
en 1940 en tant que capitaine de réserve, l’action qu’il mena à la Libération
dans de nombreuses associations pour la reconnaissance des droits des
Résistants et en tant que Délégué régional du service de recherche des crimes
de guerre ennemis pour la XVe région militaire, lui ont valu la reconnaissance
de ses pairs et de nombreuses décorations.
Une petite rue de Marseille porte aujourd’hui
son nom, près de la Poste centrale.
Rien ne
prédisposait au départ Jean Pétré à un tel destin. D’origine basque, il naquit
à la fin du XIXe siècle à Saint-Jean-Pied-de-Port, dans une modeste famille
d’artisans. Après être rentré dans les Postes, il participa brièvement à la
guerre de 1914 et fut nommé à Marseille. Longtemps chargé du tri de nuit sur la
ligne ferroviaire Marseille-Lyon, il eût pendant l’entre deux-guerre, une
intense activité littéraire, journalistique et mondaine. Séducteur, arbitre des
élégances, collaborateur des journaux Théâtra et Massalia, il multiplia romans,
livrets d’opérettes, conférences radiophoniques, voyage en extrême orient, etc.
La deuxième guerre mondiale arriva, Jean Pétré
rejoignit alors le 141e RIA et s’y révéla un remarquable
entraîneur d’hommes, en particulier à Ham dans la Somme, à la tête de sa
compagnie, sous les ordres du colonel Granier.
Après une retraite périlleuse et sans que son
régiment et «la VIIe armée n’aient été battus », il fut démobilisé dans la
Haute-Vienne. Quelques mois plus tard, son colonel lui recommanda de fonder
l’Amicale régimentaire des anciens du 141e RIA qu’il présida
jusqu’à sa mort avec l’entregent, l’allant et l’éternel optimisme qui le
caractérisaient. Cette association permit dès l’armistice de maintenir, de
tisser des liens entre tous les cadres et hommes du régiment, pour la plupart
alors en zone libre. En réalité, cela servit rapidement de couverture pour
l’organisation de l’Armée secrète, à l’initiative de Jean Moulin et de son chef
militaire le général Delestraint. L’A.S. d’obédience gaulliste, devait être
opérationnelle pour la Libération et son organisation dans la région provençale
avança rapidement, comme en témoignent ses archives. Elle commença à constituer
ses premiers maquis au sud de Digne, dans les villages abandonnés des Dourbes
dès 1942. Ceux-ci montèrent en puissance avec la disparition de la zone libre
et la généralisation du STO. Mais c’était sans compter avec une Gestapo très
active. Le colonel Jean Pétré fut arrêté le 4 juillet 1943, quelques semaines
après la chute en juin de Jean Moulin et du général Delestraint. Son nom figure
dans le fameux rapport Flora où le sinistre Dunker-Delage rend compte à ses
supérieurs du démantèlement des réseaux de Résistance. Torturé au 425 de
la rue Paradis, siège de la Gestapo à Marseille, il fut transféré à la prison
Saint Pierre, puis à Compiègne et enfin au camp de Buchenwald.
Libéré en 1945 après les « marches de la mort »
organisées par les SS face à l’avancée américaine, Jean Pétré parvint malgré
son état, à participer pendant un mois à l’organisation du rapatriement de ses
camarades, alors qu’une épidémie de typhus achevait les plus faibles. Il fut
l’un des derniers à quitter le camp de concentration.
De retour à Marseille le 26 avril 1945,
d’importantes responsabilités lui furent confiés par le gouvernement à la tête
du Service de recherche des crimes de guerre ennemis, à une période difficile.
Fort critique à l’égard des conditions de l’épuration, Jean Pétré n’était pas
cependant homme à vivre de ressentiments et de regrets. Il reprit ses activités
professionnelles mais surtout journalistiques au sein de l’hebdomadaire
Massalia et prit la tête des associations de défense des Résistants et des
Anciens combattants de la région. Homme de convictions, il participa dans les
années cinquante à la fondation du PSU et dirigea son journal Le progrès.
Mais c’était sans compter l’appel du pays
natal. Jean Pétré ne pouvait que se retirer en Pays Basque. C’est là qu’une congestion
cérébrale le foudroya le 7 avril 1959. Il repose désormais au cimetière de
St-Jean-Pied-de-Port, dans le caveau qu’il avait conçu, parmi les charpentiers,
serruriers, sabotiers et autres couturières de sa famille. Au centre de cette
Basse-Navarre si chère à son cœur.
Arnaud Duny-Pétré, filleul de Jean Pétré, vient
de mettre en ligne une biographie complète de cette figure de la Résistance
marseillaise. Le site contient témoignages, interview, journal de guerre et les
archives du colonel Pétré sur la Résistance, la Libération, l’épuration. Parmi
elles, les archives clandestines de l’AS, avec de nombreux documents reproduits
en fac-similé, constituent un ensemble rare et inédit sur la deuxième guerre
mondiale en Provence.
Adresse : http://colonel.petre.resistance.marseille.over-blog.com
Nous savons que le Dr Jean-Paul Chiny et son
épouse Simone Moulet exhumaient quelques pans de la Résistance marseillaise,
ils recueillaient des témoignages, recensaient les plaques commémoratives sur
les murs de leur ville, créent un site.
Nous ne pouvons pas imaginer que la nouvelle
Poste restera insensible en n’effectuant pas la démarche qui s’impose d’apposer
une plaque commémorative du colonel Jean-Baptiste Pétré à côté de celles de
Henri AUZIAS et de Paul COADCCIONI, mais en rappelant aussi sur ce mur du
nouvel Hôtel de la Poste Colbert les Résistant-e-s des PTT : Guizard Andrée
et Marcel ; Roux Mireille ; Malbosc Louis et Monteil Marcel.